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Pourquoi suscite-t-on tant d'inquiétude à propos de la pénurie de médicaments au Maroc ?

Pourquoi suscite-t-on tant d'inquiétude à propos de la pénurie de médicaments au Maroc ?

 


Les tensions sur les chaînes d'approvisionnement et l'abolition d'une taxe ont entraîné une pénurie de médicaments sans précédent au Maroc. Un examen en cinq questions. Malgré l'annonce par le gouvernement marocain, le 8 avril, d'une nouvelle vague de réductions de prix sur certains médicaments, les pharmacies font face à des ruptures de stocks de produits importés. Cette situation, dénoncée par les praticiens depuis 2019, est minimisée par le gouvernement malgré sa gravité apparente.

1. Quelle est l'importance de la pénurie ? En mars, environ 1200 médicaments, soit 19,3 % des 6211 références disponibles, étaient absents des étagères des pharmacies selon la presse marocaine. En comparaison, en 2019, le ministère de la Santé situait le pourcentage de médicaments touchés par une pénurie entre 1 et 2 % dans le pays. Le Maroc subit les pressions croissantes sur ses chaînes d'approvisionnement, exacerbées par les récents conflits mondiaux, notamment la guerre en Ukraine et la volatilité des prix des carburants. Parmi les médicaments manquants figure le LevothyroX, prescrit dans le traitement des troubles thyroïdiens. En somme, la situation est devenue difficile en raison de la rareté croissante du médicament Avact.

2. Quelles en sont les raisons ? Layla Laassel Sentissi, directrice générale de la Fédération marocaine de l'industrie et de l'innovation pharmaceutique (FMIIP), calme le jeu en déclarant qu'il n'y a pas de pénurie au Maroc, mais plutôt de courtes ruptures de stock. Dans une interview avec 54actualite, elle explique que la tension actuelle est due à un changement de fournisseurs du côté européen. Elle précise : « Ce sont des médicaments importés depuis l'Europe qui sont touchés par ces pénuries. Des problèmes d'approvisionnement en matières premières ont été rencontrés. De plus, un changement de fournisseurs impacte l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement ».

Les fournisseurs occidentaux ont choisi de réduire leur dépendance envers la Chine et l'Inde, qui dominent le marché des principes actifs. Ces deux géants asiatiques fournissent actuellement 80 % des principes actifs dans le monde et abritent les principales installations de production de médicaments. Depuis la fin de la pandémie, les Européens rapatrient leurs productions, ce qui entraîne des retards dans les livraisons de médicaments. De plus, la guerre en Ukraine a également eu un impact sur ce processus. Les sanctions européennes à l'égard de la Russie ont affecté le marché de l'aluminium, un matériau utilisé dans l'emballage des comprimés, étant donné que Moscou est le troisième producteur mondial de ce métal après la Chine et l'Inde.

Une autre raison de la tension est la suppression de la TVA de 7 % sur les médicaments. Cette exonération a contraint les industriels à rappeler les produits pour les réétiqueter, retardant ainsi les livraisons aux pharmacies. Cette opération, terminée le 31 mars dernier, a entraîné des retards dans l'approvisionnement des médicaments.

3. Les laboratoires marocains peuvent-ils reprendre en main la production ? Les laboratoires établis au Maroc se concentrent principalement sur la fabrication de médicaments génériques, qui répondent à 70 % des besoins. Cependant, les traitements manquants sont soit brevetés, soit basés sur des biotechnologies, et ne peuvent donc pas être produits localement. De plus, la loi de l'offre et de la demande pose un défi supplémentaire. Selon Layla Laassel Sentissi, "le volume dont [le Maroc] a besoin actuellement ne justifie pas un investissement" de la part des groupes pharmaceutiques.

La filière pharmaceutique, deuxième industrie chimique du Royaume après le phosphate, contribue à hauteur de 1,5 % du PIB marocain. Avec environ quarante laboratoires en activité, dont Sanofi, Sothema et Roche, elle exploite 54 sites de fabrication. Entre 7 et 8 % de la production est exportée vers l'Afrique, l'Europe et le Moyen-Orient. Ce secteur a démontré sa résilience lors de la pandémie de Covid-19.

4. Le pays dispose-t-il de stocks stratégiques ? Le Maroc a pris la décision dès 2022 de constituer des stocks stratégiques de médicaments essentiels, mais l'état de ces réserves demeure inconnu. Ni le ministère de la Santé ni la Direction du médicament et de la pharmacie n'ont répondu aux sollicitations de Jeune Afrique sur ce point. D'autres pays du continent ont également adopté une politique similaire. Par exemple, l'Afrique du Sud détient actuellement trois mois de réserve de médicaments. En Côte d'Ivoire, les grossistes sont également tenus de constituer trois mois de réserves pharmaceutiques, tandis qu'en Égypte,

5. Est-ce que la situation est spécifique au Maroc ? Non, le Maroc n'est pas le seul pays confronté à des ruptures de stocks récurrentes depuis près de quatre ans. L'Algérie et la Tunisie rencontrent également des difficultés similaires. En Algérie, en septembre 2023, les députés ont interpellé le Premier ministre au sujet du manque de traitement pour les maladies chroniques, notamment le Glucagon (diabète), le Sintrom (maladies cardiaques), le Nivolumab (oncologie), ainsi que le matériel médical.

En Tunisie, les pénuries ne sont pas dues à l'indisponibilité du médicament lui-même, mais plutôt à la dette accumulée par la Pharmacie centrale de Tunisie (PCT). Depuis 2015, cet organisme public cumule une dette d'un milliard de dinars (environ 286 millions d'euros) contractée auprès de groupes pharmaceutiques internationaux. Ces derniers menacent de rompre la chaîne d'approvisionnement et restreignent les livraisons. Cette situation crée une tension sur le marché et contraint les médecins à choisir les patients qu'ils peuvent traiter. En 2023, Naoufel Amira, président du Syndicat des pharmaciens d'officine en Tunisie (Spot), a affirmé que sur les 200 références en rupture de stock, "70 médicaments n'ont aucun équivalent et sont absents du marché tunisien".


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